L'archiviste

L'archiviste

Celia Perrin Sidarous crée des mises en scène photographiques, usant pour ce faire de la bidimensionnalité de la représentation comme de la matérialité de l’image. Elle produit des assemblages qui problématisent les fonctions et les usages spécifiques aux divers éléments s’y retrouvant — images, objets, dispositifs, composantes architecturales —, en établissant des rapports inusités avec ces éléments.

Faisant à la fois référence à l’histoire en tant que discipline occidentale et aux règles de la nature morte, de l’aménagement intérieur et de la scénographie d’exposition, les œuvres de Perrin Sidarous brouillent les conditions selon lesquelles les objets sont habituellement appréhendés. En suggérant des correspondances singulières entre matérialité et image, l’artiste élabore ses propres systèmes de classification et de détermination centrés sur l’objet photographique.

L’anachronisme est un motif récurrent dans son travail, lequel relie des durées et des instants distincts. Ses installations proposent une navigation du monde matériel où les objets, même recontextualisés par cette médiation artistique, portent toujours le poids de l’histoire — de leurs histoires.

Avec l’exposition L’archiviste présentée au Musée McCord, Perrin Sidarous explore ces charges fantomatiques et historiographiques des objets dans une installation photographique et architecturale. Elle y aborde les questions de la trace et de la mémoire à travers les processus de manipulation et de documentation. Elle se penche ainsi sur les procédés muséaux d’archivage et de présentation des objets afin de mettre en lumière les gestes exécutés autour de ces derniers.

En amont de l’exposition, l’artiste a parcouru la collection du Musée — s’intéressant autant aux objets qu’à leur documentation—, sélectionnant des éléments qui suscitaient chez elle une curiosité particulière. Dans L’archiviste, ces éléments sont donc montrés aux côtés de photographies et d’objets produits ou acquis par Perrin Sidarous au cours des années. Deux collections, l’une institutionnelle et l’autre personnelle, dialoguent ainsi dans la galerie, laquelle s’apparente, à l’occasion de l’exposition, à un diorama.

Puisant dans ces assemblages d’étonnantes affinités formelles ou sémantiques, l’installation met en exergue quatre arrangements particuliers où le statut des objets se complexifie. La fonctionnalité et la matérialité de ceux-ci sont parfois perturbées ou renforcées, rendues floues ou décomposées. Les temporalités sont, elles aussi, quelque peu déréglées.

Remodelant cette linéarité qui caractérise l’histoire, Perrin Sidarous engage une mobilité entre les époques de manière à faire émerger des sédiments temporels. De ce fait, le passage du temps — non plus téléologique — fait écho à la bidimensionnalité et la tridimensionnalité intrinsèques des œuvres et de la scénographie de l’artiste. Dans L’archiviste, les temps se contractent, se confondent et s’amoncèlent. Lorsque mis en dialogue avec les intérêts du Musée McCord eu égard à la préservation et au patrimoine, le travail de Perrin Sidarous se trouve enrichi, nourri par les histoires qui résident dans l’établissement.

Pour Perrin Sidarous, les objets physiques et représentés sont loin d’être passifs : ils cherchent en quelque sorte une reconnaissance de leur pouvoir d’interagir avec le réel. Si nous y portons attention, ils communiquent leurs expériences vécues, accumulées au fil du temps. Car les objets possèdent une vie intérieure, ils renferment des histoires qui, dans l’inanimé, ne perdent en rien leur énergie et leur rythme. Ce sont précisément ces récits tacites que l’artiste ramène à la surface à travers son installation.

— Maude Johnson, 2019

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